Samuel Kagheni, qui travaille comme chargé de programmes et projets à Aide et Action pour la Paix (RDC), une organisation membre de l'ILC depuis 2007, est l'un des boursiers du programme ILC Future Leaders 2021-2022. Samuel, ainsi que 20 autres jeunes d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et d’EMENA, ont été plongés dans un voyage d'apprentissage intense sur différentes questions relatives aux droits fonciers et au leadership, développé par des échanges, une réflexion commune et la mise en œuvre d'actions concrètes. Le Forum Foncier Mondial 2022 (GLFY) a été l'un des principaux jalons du programme. Samuel nous parle de son expérience en tant que boursier.
La jeunesse, un groupe oublié.
De février 2018 au Décembre 2021, je pilotais au sein de AAP le projet : « connaître et faire valoir ses droits fonciers ». Lors d’une activité de sensibilisation dans ma communauté, j’ai été interpellé par un septante-génère : « Fils, pouvez-vous orienter ces sensibilisations à des jeunes comme toi ? Aujourd’hui l’ignorance par vous les jeunes des lois et principes coutumiers régissant la terre est à la base des conflits violents dans notre milieu. » Et il poursuit : « La terre est pour moi l’héritage par excellence à laisser à mes enfants ; ma crainte est qu’après moi, qu’ils ne soient pas à mesure d’exploiter et garder cette terre pour les générations futures ». En ma qualité de chargé de projet, cette interpellation était fondée pour le projet et touchait à sa durabilité. Mais alors comment approcher ce groupe si spécifique ? Comment collaborer ? Sur quoi et comment ? Avec quel leadership collaboratif ?
Le programme de bourses des jeunes de l’ILC 2021-2022 a été pour moi une réponse à ces questionnements. Les sessions sur le leadership individuel et collaboratif m’ont doté des capacités nécessaires de communication, de délégation du pouvoir, de prise des décisions ; me rendant proactif et attentif à l’autre. Les ateliers thématiques m’ont permis de comprendre le rôle central que jouent les droits fonciers dans la réalisation des objectifs de développement durable et le rôle prépondérant des jeunes dans la réalisation de cette vision. En fin, partant de l’atelier sur le design thinking, j’ai été capacité sur l’élaboration d’un plan d’action en identifiant clairement les problèmes, les solutions et les partenaires. La création de « Personas » a été un exercice primordial pour mieux comprendre les expériences, les besoins, les comportements et les objectifs de mon groupe cible.
Partant des connaissances acquises, en réponse aux besoins identifiés dans ma communauté, j’ai développé mon plan d’action qui a consisté à dresser avec les jeunes de ma région un mapping des défis auxquels nous sommes confrontés dans notre lutte pour accéder, posséder, gouverner et gérer la terre.
Partant d’une méthodologie participative et proactive, à travers 12 focus groups et 142 entretiens individuels, nous avons accordé la parole à 312 jeunes et 10 autorités locales qui ont dressé un mapping de leurs défis et des solutions y relatives.
Le GLFY, une excellente opportunité de partage des connaissances
Au niveau local, à travers mon plan d’action, on a identifié et documenté les défis locaux importants, tels que l’accaparement des terres, la mauvaise gouvernance de la terre, l’ignorance par les jeunes de leurs droits et des lois régissant la terre, les conflits violents, les inégalités et l’injustice en matière d’accès à la terre, parmi d’autres.
Le GLFY m'a permis de confirmer que ces problèmes ne sont pas spécifiques à ma région, mais qu'ils interpellent également les peuples d'Afrique, et d'Asie, l’Amérique Latine et l’EMENA. Au cours du forum, j’ai pu partager des expériences et des apprentissages avec mes collègues venus d’autres régions pour une compréhension commune des défis fonciers des jeunes à l’échelle mondiale afin d’y réserver une réponse coordonnée. Ce que nous avons d’ailleurs exprimé dans notre Déclaration des jeunes d’Ajlun-Jordanie.
Vers des actions mondiales coordonnées afin de promouvoir l’accès des jeunes à la terre
La jeunesse est une force de changement. Le GLFY l’a démontré. Dans notre déclaration, nous avons réaffirmé l'immense pouvoir collectif de la jeunesse pour façonner et créer un avenir durable, en trouvant des solutions aux problèmes mondiaux auxquels nous sommes tous confrontés. La crise climatique, par exemple, menace notre existence. Face à elle, nous engageons notre force et innovation en faveur de l’agroécologie comme une stratégie de lutte contre ce fléau. En outre, nous nous sommes engagés à exiger de la COP27 la reconnaissance du rôle des droits fonciers qui soutiennent les connaissances et les pratiques traditionnelles dans la lutte contre la crise climatique et de créer une voie pour une transition juste vers le net-zéro qui offre aux jeunes l'accès et la propriété pour des moyens de subsistance durables.
Au niveau régional, ensemble avec les autres collègues boursiers et ambassadeurs GLFY nous nous sommes constitués en un groupe de travail dont l’objectif est de proposer à ILC-Afrique notre stratégie fondée sur cette déclaration afin de promouvoir une gouvernance foncière inclusive des jeunes en Afrique.
Au niveau National, dans mon pays la RDC, les résultats de mon plan d’action seront capitalisés dans la stratégie en cours d’élaboration de la Coalition Nationale pour la Terre (NLC) et pour l’amélioration de la stratégie jeunes de mon organisation (AAP).
La reconnaissance et l'exercice effectif des droits fonciers des jeunes est une des solutions à la crise mondiale actuelle car, des droits fonciers équitables sont la clé d'un développement inclusif, de sociétés florissantes et saines, et d'une planète durable. Un avenir durable n'est possible qu'avec le leadership et la participation effective des jeunes. Nous devons mobiliser et connecter davantage nos collègues jeunes en faveur de notre droit à la terre et pour l’appropriation de cette lutte.
Nous exigeons notre participation active et significative dans divers programmes de développements et dans les différentes réformes du secteur foncier.