En solidarité avec les organisations indigènes et paysannes du Guatemala dans un contexte d'affaiblissement alarmant des institutions démocratiques issues de l'accord de paix
déclaration en français
L'International Land Coalition (ILC) exprime notre inquiétude face à la grave situation de criminalisation et de violation des droits de l'homme des organisations paysannes et indigènes au Guatemala dans l'exercice de leur rôle de défense pacifique de leurs terres et territoires. Jusqu'à présent cette année, quatre défenseurs d'organisations faisant partie de l'ILC ont été assassinés et l'un d'entre eux est porté disparu.
Ce sont les cas des meurtres de Misael López (11/8/2020), Fidel López (23/06/2020) et Dominga Ramos (05/03/2020) du Comité de développement paysan (CODECA) ; et Medardo Alonzo Lucero (15/06/2020) de la Central de Organizaciones Indígenas Campesinas Ch'orti Nuevo Día. Carlos Enrique Coy, défenseur de l'Union des organisations paysannes Verapacense - UVOC, est porté disparu (03/08/2020). De plus, Benoît Amédée Maria (10/08/2020), un citoyen français qui défendait les droits de l'homme et était le directeur d'Agronomes et Vétérinaires sans frontières qui travaillait pour les communautés indigènes mayas-xil, a été assassiné. En outre, il y a eu cinq tentatives d'expulsion extrajudiciaire de communautés indigènes dans les départements de Alta Verapaz, Baja Verapaz et Izabal, ce qui démontre l'insécurité du régime foncier que connaissent les paysans et les indigènes du pays.
Nous nous joignons à la demande de justice de ces organisations afin que les faits soient clarifiés, que les coupables soient punis et qu'une réparation intégrale soit effectuée pour les défenseurs.
En 2018, l'ILC, Front Line Defenders et Civicus ont mené une mission internationale au Guatemala en réponse à l'escalade de la violence (criminalisation, arrestations arbitraires, meurtres, entre autres) contre les femmes défenseurs de la terre et de l'environnement, qui a révélé un modèle inquiétant de violence systématique qui continue d'exister. Selon le dernier rapport de Global Witness (2019), l'Amérique latine continue d'être la région la plus meurtrière pour ces défenseurs, le Guatemala étant l'un des pays où le nombre de décès par habitant est le plus élevé. Rien que cette année, l'UDEFEGUA fait état de 677 attaques contre des défenseurs des droits de l'homme dans le pays.

2018 RAPPORT DE LA MISSION INTERNATIONALE AU GUATEMALA
En décembre 2019, dans le cadre de la campagne Land Rights Now, nous avons dénoncé, avec des organisations du monde entier par une mobilisation mondiale, le meurtre et la criminalisation de personnes et de communautés défendant les droits fonciers et territoriaux dans le pays.
Aujourd'hui, les organisations indigènes et paysannes du Guatemala sont confrontées à un contexte de violence aggravé par l'affaiblissement des institutions agraires et des droits de l'homme. Les dernières mesures prises par le gouvernement pour éliminer le Secrétariat des affaires agraires (SAA), la Commission présidentielle des droits de l'homme (COPREDEH) et le Secrétariat de la paix (SEPAZ) constituent un pas en arrière dans la construction d'un État plus démocratique et respectueux des droits de l'homme. L'élimination de ces institutions, créées pour se conformer aux accords de paix et ayant un rôle fondamental pour le dialogue entre l'État et les organisations indigènes et paysannes, rend encore plus difficile la résolution pacifique des problèmes agraires et territoriaux aigus, ainsi que le traitement des demandes des paysans en faveur d'un développement rural global.
Compte tenu de la situation critique :
- Nous réitérons notre soutien aux organisations indigènes et paysannes qui luttent pour la défense des droits de l'homme au Guatemala et nous reconnaissons le travail légitime qu'elles réalisent depuis la Plateforme pour la défense de la terre et du territoire, ainsi que depuis d'autres espaces.
- Nous appelons les autorités guatémaltèques à résoudre les conflits existants par des moyens démocratiques et dans le respect des droits de l'homme, et nous soulignons que :
- L'État doit reconnaître le droit légitime à la terre et au territoire des paysans et des peuples autochtones, et veiller au respect des conventions et traités internationaux concernant leurs droits.
- Il est nécessaire de résoudre le conflit agraire et de mettre fin à la politique d'expulsions. Pour cela, il est nécessaire de déconcentrer la propriété foncière par des politiques publiques de redistribution, de récupérer les territoires indigènes et de garantir à la fois l'accès à la terre des communautés paysannes et indigènes et leur sécurité juridique, afin de contenir les migrations et de garantir le droit à l'alimentation.
- Le droit de défendre les droits de l'homme et de s'organiser dans un environnement sûr et adapté, sans processus de criminalisation et de diffusion de discours de haine, doit être reconnu et rendu public.
- Il est urgent que l'État approuve et mette en œuvre une politique publique de protection des défenseurs des droits de l'homme, et qu'il s'assure qu'il dispose des institutions et des mécanismes appropriés pour garantir l'accès à la justice et la fin de l'impunité.
- L'État doit garantir le fonctionnement adéquat des institutions spécialisées en matière agraire et de droits indigènes, qui répondent aux demandes de la population indigène et rurale, et rendent possible le dialogue entre celle-ci et le gouvernement, contribuant ainsi à la résolution du conflit agraire qui persiste dans le pays.
- Nous appelons la communauté internationale à prêter attention à ce qui se passe au Guatemala et à soutenir conjointement les efforts déployés par les organisations indigènes, paysannes et de défense des droits de l'homme pour construire un pays plus juste, démocratique et sans violence.
International Land Coalition
26 août 2020