Judeon travaille chez le Centre pour l’environnement et le développement au Cameroun comme assistant de recherche centré sur la gouvernance foncière et les droits des couches sociales vulnérables, notamment les jeunes, les femmes, et les Peuples Autochtones. Lui et 21 autres boursiers ILC d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes, d'Asie et d'EMENA, se rencontrent dans le cadre du Programme de bourses pour futurs dirigeants de l’ILC 2021-22 où ils acquièrent de nouveaux outils de leadership, échangent des expériences et mettent en œuvre des solutions autour de la gouvernance foncière, avec les jeunes au centre du leadership.
Le Forum mondial de la jeunesse (GLFY), qui se tiendra en Jordanie du 21 au 23 mai 2022, sera le point culminant du programme. En Jordanie, avec plus de 70 autres jeunes de régions, de Palestine et de Jordanie, ils élaboreront un agenda global et jetteront les bases d'un mouvement de jeunesse de l'ILC.
Voici une réflexion de son expérience en tant que boursier.
C’est quoi être un leader?
Je travaille depuis deux ans dans un projet dont l’un des objectifs est de renforcer les capacités des communautés afin qu’elles participent à la prise de décision sur leurs terres et qu’elles puissent se défendre elles-mêmes en cas d’abus. C’est ainsi que nous travaillons à préparer des leaders dans les communautés capables de créer le changement.
Avant le programme, j’utilisais le mot leader sans en définir un contenu approprié à mes actions au quotidien. Sur la base des connaissances déjà acquises, je dirais aujourd’hui qu’un leader est celui qui, de par son sens de l’engagement et de l’écoute, son humilité et sa détermination, est capable de fédérer avec lui plusieurs énergies et idées différentes autour d’une action capable de créer le changement.
Apprendre des autres.
Tout d’abord, j’ai commencé à apprendre les valeurs d’un leader dans l’approche des formateurs. Dire en des mots simples de grandes choses ; se mettre au service des autres ; savoir être rigoureux et souple ; savoir déléguer ; être capable de ressortir le meilleur dans les autres afin qu’ensemble on atteigne notre objectif.
Le leadership collaboratif.
J’ai beaucoup apprécié le travail sur le leadership collaboratif, car c’est une attitude et un paradigme qui me manquait dans le travail avec mes collègues et avec d’autres organisations travaillant sur les questions foncières. Au niveau de mes collègues, je n’arrivais pas toujours à leur faire confiance et à les impliquer dans l’action. Je prenais tout le travail sur moi, et parfois, cela affectait ma santé et l’atteinte des résultats. Mais désormais, j’ai compris l’intérêt et j’ai appris comment impliquer mes collègues, en construisant avec eux un discours axé sur la reconnaissance et la valorisation de leur force, de la mienne et de notre force comme équipe. Ensemble nous construisions une action collective. De même, avec les autres organisations travaillant sur le foncier, j’ai appris à valoriser leurs acquis et expériences, ainsi que le travail en réseau comme action primordiale pour le changement.
Faire partie d’un réseau mondial.
J’ai renforcé ma capacité sur le travail en réseau, et ce malgré les différences culturelles et linguistiques – nous sommes 22 personnes parlant 3 langues différentes. Cela est une grande avancée pour moi qui, jusque-là, était habitué à regarder les défis fonciers sous le seul prisme de mon pays. J’ai appris des stratégies de mobilisation des autres, notamment de mes collègues de l’Inde qui utilisent, par exemple, la musique et le théâtre pour sensibiliser et mobiliser les communautés. Ainsi avec peu de ressources financières et une approche novatrice, ils touchent une grande cible avec un langage que tout le monde comprend. Ça change des approches classiques de formation que je mobilisais. Je compte tester cette approche dans mes actions avec les communautés et les jeunes avec qui je travaille.
Les jeunes au centre du plaidoyer.
J’ai particulièrement été sensible aux sessions sur le plaidoyer, base de nombre de nos actions. J’ai appris qu’une bonne stratégie de plaidoyer passe aussi par une bonne connaissance et une bonne mobilisation des acteurs, notamment nous les jeunes. Par contre, pour nous mobiliser, il faut nous écouter, comprendre nos intérêts, développer de l’empathie, et s’investir à notre côté pour créer le changement. Dans le cadre de la mise en œuvre de mon plan d’action, j’ai commencé à donner la parole aux jeunes, à les écouter, et à bien comprendre leurs attentes -qui résonnent aussi en moi. Avec eux, nous réfléchissons sur les solutions qui pourraient garantir leur leadership dans la gestion des terres et des ressources. En continuant à travailler avec eux, nous pourrons, à la fin, avoir une note de position qui pourrait servir de base pour le plaidoyer auprès des autorités locales et nationales.
A la recherche de solutions concrètes.
Dans le cadre du programme, nous avons élaboré et mettons en œuvre des plans d'action qui répondent à des besoins très spécifiques de nos organisations ou des communautés avec lesquelles nous travaillons.
Mon plan porte sur la mobilisation de jeunes leaders qui doivent travailler aux côtés de leurs communautés pour limiter le phénomène de vente et de braderie des terres. Il s’agit de 25 jeunes (15 hommes et 12 femmes) qui subissent les effets de la braderie de leurs terres par leurs parents, et ce avec la complicité des « spéculateurs fonciers ». Ils subissent passivement, car ils ne maitrisent pas toujours la législation et les mécanismes qu’elle prévoie pour s’opposer à ces transactions. Le travail que nous menons ensemble prévoie le renforcement des capacités de ces jeunes sur les voies de recours et les stratégies d’opposition contre les spéculateurs fonciers, qui en s’accaparant des terres des communautés, compromettent les conditions de vie présentes et futures de nombreux jeunes. Ce processus me permet d’apprendre des besoins, attentes et espoirs des jeunes en matière de gouvernance foncière. C’est une perspective peu explorée jusqu’à présent et qui sera capitalisée, dans la mesure où elle permettra de préparer avec ces jeunes un document de plaidoyer sur la nécessité d’un meilleur encadrement juridique et pratique de leurs droits sur les terres et les ressources.
Vers un réseau de jeunes leaders de l’ILC.
Construire des sociétés plus inclusives et justes en matière de gestion des terres est l’idéal que toutes et tous les boursiers partageons et qui va au-dessus de toutes les différences culturelles. Nous ne pouvons pas le faire par nous-mêmes.
Il faudra sans doute multiplier des occasions de partage et d’échanges. Nos actions et interactions devront aller au-delà du programme. Nous constituons déjà un réseau de jeunes engagés et déterminés, partageant le même idéal. Le Forum Global sur la Terre sera une occasion pour continuer ce partage d’expériences, construire une vision commune sur les questions foncières pour les jeunes et de passer à des actions concrètes qui nous placent au centre en tant qu'agents capables de provoquer un changement social et de le maintenir.
En tant que représentants des jeunes de l'ILC au Forum, nous nous préparons déjà pour présenter une note de position sur les défis fonciers des jeunes, les perspectives pour les années à venir, et les opportunités et rôles qui se présentent dans le cadre de la nouvelle stratégie de l'ILC 2022-2030. Par cette proposition, nous représenterons certes les singularités de nos communautés et de notre diversité, mais nous porterons aussi les voix des jeunes du monde.
Nous devons tous nous engagés.
ILC à travers ce programme, offre une occasion inédite de penser le combat de demain pour une gouvernance foncière plus inclusive. Préparer les jeunes leaders de demain, c’est s’assurer la continuité du combat pour des droits équitables sur les terres et les ressources, pour tous et pour toutes. Il s’agit alors d’une initiative à soutenir, afin de construire une chaîne d’engagement. Toutes les organisations locales, nationales, et même mondiales doivent s’engager à cet effet!
Je souhaite particulièrement remercier et encourager ILC et ses membres pour leur approche de travail basée sur le respect et l’inclusion de tous malgré les différences, car elle est une source de motivation.